L'art de la guerre

L’art de la guerre est un des plus anciens traité militaire, rédigé en Chine par Sun Tzu à l’époque des Royaumes Combattants. Entre stratégie et tactique, les principes qu’il contient dépassent le champ d’application militaire. L’ouvrage est souvent lu et cité par les dirigeants d’entreprise, les hommes politiques, les joueurs d’échecs ou de poker.

J’ai tiré de cet ouvrage six principes clés de l’attitude du stratège décrit par Sun Tzu. Ces principes peuvent s’appliquer dans tout environnement adverse et compétitif.

Les principes que je présente ci-dessous sont issus de ma propre lecture et comportent des commentaires personnels ; ce n’est pas un résumé du livre.

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Principe 1 : être prêt

La guerre est une affaire sérieuse, il ne faut pas s’engager à la légère. Il faut être prêt en tout temps, mais attaquer que s’il y a une bonne raison et quand c’est le bon moment.

Toute affaire sérieuse nécessite de la préparation, c’est-à-dire du sacrifice. On concentre temps, efforts et moyens dans le but visé, forcément aux détriments d’autres choses (coûts d’opportunités). Si on ne sait pas choisir quel combat mener et y consentir des sacrifices, on ne peut remporter aucune victoire et encore moins la guerre.

Se préparer est une chose, être prêt en est une autre. Etre prêt c’est non seulement être préparé, mais c’est aussi être concentré sur le but, hors de toute distraction physique ou mentale. Le stratège est toujours à l’écoute du monde, prêt à passer à l’action à tout moment.

Principe 2 : contrôler l’information

L’art de la guerre consiste à vaincre sans combattre. L’essence de la guerre est la manipulation. Être imprévisible, ne pas dévoiler ses plans, mais connaître et contrôler les plans de ses adversaires.

La guerre est d’abord une question d’information et de désinformation. Car toute décision s’appuie sur elle. Contrôler les systèmes d’information c’est se donner l’opportunité de vaincre sans avoir à combattre physiquement.

Sun Tzu recommande d’abord d’attaquer les plans de l’adversaire, puis ses alliances et n’engager le combat physique qu’en dernier lieu et que si c’est nécessaire. Contrôler l’esprit de son adversaire ou sa formation est beaucoup plus efficace que simplement obtenir une supériorité physique.

Sun Tzu serait un adepte de la cyberguerre, de l’espionnage, de la corruption des généraux ennemis, du contrôle de l’information, de la fabrication de fake news.

Le stratège connaît son adversaire et se connaît lui-même – mais ne se laisse pas connaître, ni influencer.

Principe 3 : maîtriser l’espace et le temps

Sun Tzu attache moins d’importance aux qualités humaines des soldats qu’aux facteurs clés tels que l’espace (la logistique, le terrain) et le temps. Les hommes sont faillibles, manipulables. Leur courage n’est pas absolu, mais dépendant de la position et des circonstances. Le stratège s’appuie d’abord sur une logistique supérieure (infrastructure physique et informationnelle) pour remporter la victoire. Et il agit aux bons moments.

Le temps est l’ami de l’un et l’ennemi de l’autre. Si le temps est avec nous, la patience, l’art de l’enlisement devient une tactique redoutable qui épuise l’adversaire. En revanche si le temps est contre nous, il faut réunir les conditions pour vaincre rapidement. Si on veut contrôler le temps, il faut d’abord apprendre la patience, et ne pas confondre précipitation et vitesse. En règle générale, la manipulation est la meilleure des attaques, et la patience la meilleure des défenses.

Principe 4 : mettre la priorité sur la défense

Ce qui dépend de soi, c’est de construire une défense invincible. Le succès dans l’offensif consiste à saisir les faiblesses et les erreurs de l’adversaire. Gagner, c’est vaincre avant de combattre ; perdre c’est combattre avant de vaincre.

La priorité est de ne pas commettre d’erreur soi-même. C’est comme une partie d’échecs : on construit d’abord sa position et les opportunités tactiques d’attaque se dévoilent au fur et à mesure que l’adversaire commet des erreurs.

Ce principe me fait penser à Warren Buffett dans le champ de l’investissement. Pour lui, ne pas perdre est plus important que de gagner. Car les gains sont possibles que quand il détecte un comportement irrationnel des investisseurs. Ce qui lui permet d’acheter des actions sous évaluées d’une bonne entreprise.

Il y a deux règles fondamentales à respecter. La première est de ne pas perdre, la seconde est de ne jamais oublier la première. – Warren Buffett

Warren Buffett est un investisseur-valeur dans le jargon de la finance. Mais quel que soit le type d’investisseur ou de trader, dans le milieu compétitif de la finance, tout professionnel aguerri attache une importance capitale à la gestion de risques et à l’autodiscipline, incluant notamment la patience.

Principe 5 : Combiner les deux procédés

Il existe deux forces, deux procédés : le régulier (direct, visible, yang) et l’extraordinaire (indirect, invisible, yin). Le régulier est stratégie et dépend de l’espace ; l’extraordinaire est tactique et dépend du temps. La combinaison des deux permet d’infinies variations.

Mais fondamentalement, le régulier et l’extraordinaire se définissent l’un l’autre. Ce qui compte c’est ce que l’adversaire pense. Une attaque procède de l’extraordinaire si elle est imprévue pour l’adversaire. Aucun procédé en stratégie ne doit être figé. Leur efficacité même dépend de l’effet de surprise. Savoir ce que pense et fait son adversaire et tromper ses attentes est l’art même du stratège.

Principe 6 : Incarner le vide

Le stratège est comme l’eau, il est sans forme et s’adapte aux configurations du terrain et de son adversaire. La guerre est une vertu féminine d’abord avant d’être masculine. Le yin précède le yang. Sun Tzu dévoile ici le stratège idéal : il est comme le vide, insaisissable.

Le premier impératif du stratège est de voir le monde tel qu’il est et non tel qu’il le désire. Le stratège est vide de préjugé et d’idéalisme. Il analyse et recoupe les informations avec objectivité. Et s’il a tord, il sait dominer son ego et s’adapter très vite à la réalité du terrain.

Tout homme qui montre des qualités donne prise à ses adversaires. S’il ne craint pas la mort, il risque d’être tué ; s’il chérit trop la vie, il risque d’être capturé ; coléreux, il réagira aux insultes ; homme d’honneur, il craindra l’opprobre ; compatissant, il sera aisé de le tourmenter. En ce sens, le stratège doit présenter aux autres le miroir poli du néant. Voilà pourquoi, manifester le vide est si important. Et si le stratège n’est pas vide, il doit du moins paraître imprévisible.

Enfin envers lui-même, le stratège est vide d’orgueil. La méprise ultime du stratège n’est pas causée par ses adversaires, mais par lui-même. C’est de se surestimer, c’est de vouloir trop se fier à son intelligence ou à ses qualités. Le stratège connaît ses propres limites.

Conclusion

La lecture de l’art de la guerre a certes un intérêt culturel. Mais je crois qu’il indique aussi une attitude clé primordiale à développer de nos jours, à savoir la capacité à lire l’information avec objectivité et esprit critique. L’information est une arme, mais c’est aussi la matière première de tous les jours pour comprendre le monde, décider et agir. Sun Tzu recommanderait d’abord de se connaître soi-même, ses valeurs et ses modèles d’interprétation du monde. Et de connaître ensuite l’émetteur de l’information, son idéologie sous-jacente, sa position politique, son objectif.